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Alzheimer…

( La maladie des autres…)

Alzheimer

—Maman…, maman…, c’est moi…

—Silence (elle fixe le mur devant elle…)

—Maman, regarde- moi…( je mets doucement la main sur son épaule)

Lentement, elle tourne la tête et me cherche dans sa mémoire..T’es qui toé?

—Gilles, ton fils…

—Ah…, tu n’est pas à l’école…?

—Non maman, il y a longtemps que j’ai fini l’école.

—Silence ( ses yeux se plissent et s’interrogent en retrouvant son mur où elle semble voir ses derniers souvenirs aspirés dans un trou noir…)

Je prends sa main et je lui parle en fixant avec elle ce mur…

Maman, tu te rappelle ton livre…, toutes les histoires qu’il contenait et que tu me lisais le soir, assise sur le bord de mon lit, pour m’endormir; cette fameuse chasse de la baleine blanche ( Moby-Dick ), l’histoire des pyramides d’ Égypte comme celles des premières avions qui volaient dans le ciel, les premières aventures de l’homme dans l’espace, la couleur de ta fleur préférée et aussi, le cheval blanc sur la ferme de ton père de même que les poissons de notre aquarium allez jusqu’à l’arbre devant la maison qui perdait ses feuilles à l’automne ( comme toi tes pensées) et que tu voulais que je dessine eh bien, je l’ai fait maman…

Serrement de main et elle se retourne et m’interroge du regard…

Ah, oui oui, j’oubliais c’est vrai…, j’ai dessiné ton piano aussi… Celui où tu jouais ta   chanson préférée ( Comme j’ai toujours envie d’aimer)…J’en ai même fait un tableau…

(La musique est la dernière chose aspirée de sa mémoire…bien après moi…!)

Desserrement de main, un léger sourire et…petite grimace…non, maman; madame, madame la préposée, madame…c’est ma mère qui…

Elle la regarde—Il n’y a pas d’inquiétude messieurs, elle fait simplement ses besoins.

—Oui mais….y… il faut bien faire quelque chose…?

—Il n’y a pas de problème, elle a une bonne couche protectrice.

—Mais c’est ma mère, maman arrête…mam…

—Messieurs, messieurs, regardez autour de vous, ils(elles) sont tous(tes) comme elle, elle est ici au bon endroit. Quand elle aura fini, je vais la laver. Je sais que pour vous ce n’est pas facile mais, pour elle, elle est dans son monde. Vous êtes ici, elle est ailleurs et quand vous partirez, elle ne saura peut-être même pas que vous êtes venu. Elle est bien et ici, on s’occupe très bien d’elle.

Confus, je m’en retourne chez moi honteux, confus et contaminé par la maladie des autres…

Plus elle m’oublie…plus je m’en souviens…